Un État efficacement géré au service de sa mission sociale

Champions du monde des prélèvements obligatoires, nous voyons pourtant la qualité de nos services publics se détériorer, mois après mois, semaines après semaines... Comment l'accepter ?

Si le principe d'un service public n'est pas d'être rentable, il doit impérativement atteindre l'équilibre financier : son budget de fonctionnement doit correspondre aux ressources financières de l'État. Nous devons donc gérer ce dernier, et refuser la lâcheté consistant à affirmer que toute réforme serait synonyme de détricotage. Nous voulons un État compétent et efficace dans ses domaines de prédilection : démocratie, sécurité, éducation, services publics, arbitrage sociétal et économique.

La priorité : des services publics qui fonctionnent

Il n'y a pas de France sans État. Nous sommes attachés au modèle social qui fait notre différence : la sécurité sociale, l'école publique laïque, gratuite et obligatoire, la retraite, le protectionnisme en vigueur pour l'art et la culture française et le régime des intermittents du spectacle. Ces services publics, nous tenons à les sauvegarder. L'imperfection ne peut justifier leur abandon : nous serons à même de garantir leur efficacité, leur équilibre économique, tant grâce à des réformes de bon sens qu'avec l'apport de sources supplémentaires de financement.

Le préalable inévitable : gérer efficacement l'État

Nombre d'entre nous connaissons, dans nos professions respectives, des normes ou dispositions législatives qui se contredisent et handicapent notre action, notre association, notre entreprise, dans une partie de sa mission.

Chacun connaît également des articles de loi qui ne sont pas appliqués, parce que leur non-application n'est pas pénalisée. Combien de personnes respectent-elles vraiment la loi obligeant tout automobiliste à disposer d'un éthylotest dans son véhicule ? Combien de lois sont-elles piétinées par une non-application de mesures de sécurité, ou d'absence des forces de l'ordre sur certains territoires ?

Enfin, nous nous sommes tous au moins une fois posé la question suivante : "pourquoi cette procédure administrative demande ce document, alors que les informations qu'il contient se retrouvent sur d'autres ?"

Nous devons avoir enfin le courage de reprendre en main notre mille-feuille législatif et administratif afin de simplifier ce qui doit l'être, d'éviter les contradictions, de rendre les institutions mieux lisibles de nos concitoyens. Cette démarche passe aussi par une indispensable modernisation des infrastructures numériques de l'État, permettant la simplification des formulaires grâce à une meilleure centralisation des données.

Oui, la dette est un problème

Nous n'avons pas la prétention d'affirmer qu'il serait possible de résorber une dette aussi colossale en un seul mandat. La France est constamment endettée depuis le XIVème siècle, et la résorption de cette dette pluriséculaire prendra à minima plusieurs décennies. Mais nous ne pouvons nous satisfaire de son niveau actuel, devenu exorbitant.

Les recettes de l'État incluent les prélèvements, devant financer les services publics, et les valeurs ajoutées des entreprises d'État. Celles-ci incluent de nombreux secteurs stratégiques, que les gouvernements précédents se sont évertués à vendre à des puissances étrangères publiques ou privées, comme Alcatel ou Alstom. L'État ne doit pas abandonner ces entreprises ; si l'équilibre entre imposition et prestations est restauré, alors ce sont les recettes de ces entreprises qui permettront de réduire la dette.

Rétablir la présence de l'État sur tout le territoire

Les citoyens ne sont pas égaux devant l'État. Les services publics ont déserté les zones rurales, et leur efficacité est mise à mal dans certaines banlieues. Cette inégalité revêt plusieurs caractères, notamment financier (l'administration est privilégiée par rapport à l'implantation territoriale), et sécuritaire (les dégradations de dispositifs et services publics sont maximum en banlieue, mais commencent également à sévir dans les campagnes).

Comme le préconisait Philippe Juvin, plutôt que de supprimer des postes de fonctionnaires, nous souhaitons en réaffecter dans les territoires concernés, par des créations de postes compensant les non-remplacements qui s'imposent dans l'administration. Cette réorganisation territoriale doit permettre de freiner l'exode rural, et des mesures incitatives complémentaires doivent contribuer à  l'inverser. En effet, le taux de chômage extrêmement faible constaté dans les départements les plus ruraux (la Lozère, le Cantal et la Mayenne se situent sous les 5 %) correspond à ceux où l'état de l'exode rural est le plus avancé.

Retraites : mettre fin à la folle course de l'âge de départ grâce au système par capitalisation

La réalité démographique est là : après quatre vingt ans d'existence, le nombre de retraités est monté en flèche, et les cotisations des actifs ne suffisent plus à financer le régime actuel de retraites. Nous ne pouvons pas nous contenter de réajustements confiscatoires et répétés consistant à retarder l'âge de départ ou à augmenter la durée de cotisation. Nous nous opposons à cette droite punitive qui prône aujourd'hui la retraite à 67 ans, et peut-être demain, 69, 71 ou 73 ans.

De même, il serait illusoire de s'affirmer capables de multiplier à nouveau les naissances par quatre pour rétablir l'équilibre initial, et pire encore, de promettre à chaque nouveau né un pouvoir d'achat équivalent de celui d'aujourd'hui.

Le régime de retraites doit donc changer de modèle. Nous défendons un modèle par capitalisation, non pas proportionnel, mais semi-logarithmique, calculé pour garantir une retraite décente à un âge décent, même pour les longues carrières précaires. L'avantage de ce système est aussi de mieux indemniser les carrières instables et les temps partiels par la reconnaissance pleine et entière de chaque heure de travail, y compris en auto-entreprise.

Par ailleurs, la retraite a un sens : apporter à celui, usé par les années d'activité, les moyens de vivre sans travailler. La spéculation par son intermédiaire n'aurait par conséquent aucun sens : nous souhaitons donc plafonner les cumuls de retraites, parfois obtenus par des cumuls de régimes spéciaux, par le choix d'un seul régime maximum.

Lutter contre la fraude sociale ET fiscale

La gauche et une partie de la droite se bornent à choisir l'un des deux, tout en invisibilisant l'autre par appétit électoral. Comment accepter la violation des obligations légales, quel qu'en soit l'auteur ? Tout manquement aux obligations fiscales, tout abus des prestations sociales disqualifie le fonctionnement de l'État et constitue une traitrise à son endroit. Sur les 80 à 100 milliards d'euros de fraude fiscale, seuls 14,6 sont récupérés par l'État. La fraude sociale (URSSAF, CAF, CPAM, prestations sociales) représenterait 20 milliards d'euros d'après la Cour des Comptes.

Le Conseil d'Évaluation des Fraudes initié par le ministre Cazenave est un premier pas utile, mais doit encore être suivi d'effets. Malheureusement, la souveraineté de la France est compromise car cette dernière ne dispose plus du contrôle de ses frontières financières (interdiction par les traités européens du contrôle des mouvements de capitaux). Cependant, la Taxe sur les Transactions Financières, instituée en 2012, reste applicable et appliquée, sans que la Cour des Comptes ne l'estime efficace. S'agissant de la fraude sociale, la lutte à son endroit permettra, notamment, d'assurer une meilleure transparence dans la distribution des fonds de l'Assurance Maladie et un meilleur suivi des allocations familiales.

Une nouvelle société ne peut aboutir qu'avec vous !