Repeupler les campagnes, une priorité pour l'avenir de la France

En 2017, il était rare de voir un candidat à l'élection présidentielle recueillir plus de 30 % sur un département donné (seulement 16 en métropole). En 2022, 39 d'entre eux ont atteint ce stade, et les tendances se détachent clairement. Les campagnes et bassins miniers votent massivement Marine Le Pen, les banlieues aisées et propriétaires terriens plébiscitent Emmanuel Macron, et les banlieues et quartiers gentrifiés choisissent nettement Jean-Luc Mélenchon. Ce clivage est amplifié par les élections de 2024 : 37 candidats RN se voient élus ou réélus dès le premier tour. Cela est lourd de sens : pour reconquérir ces territoires, nous n'avons d'autre choix que de nous adresser à ces électeurs et d'entendre leurs revendications. Du côté des zones urbaines, Marseille, Toulouse, Montpellier, Rennes, Nantes, Lyon, Paris et son agglomération envoient 32 députés de gauche à l'Assemblée au premier tour. Seule Martine Froger (PS tendance républicaine) obtient une majorité absolue de suffrages sur une circonscription rurale de l'Ariège.

Cette hystérisation du vote des Français traduit une incompréhension croissante de ces populations les unes pour les autres. Autrement dit, la disparition de l'unité nationale. Les territoires ne se rencontrent plus, et leurs populations respectives ne se comprennent plus au point de se combattre. Combien de fois entend-on des urbains généraliser en affirmant que les campagnards ou les ouvriers du Nord sont "racistes", ou, à l'inverse, ces derniers qualifier les parisiens de "bourgeois décadents" ? Cette stigmatisation de part et d'autre doit nous alarmer, et rebâtir l'unité nationale est une priorité. En conséquence, nous ne pouvons nous permettre de laisser une sensibilité, tout particulièrement la sensibilité rurale, décliner dans sa représentation politique et dans l'action exécutée par nos dirigeants.

Inciter au repeuplement des campagnes constitue donc une priorité, défi majeur que nous sommes déterminés à relever.

Une priorité sociale

Comme relevé dans notre développement sur la gestion de l'État, la variation du taux de chômage par département est à analyser au cas par cas. 

  • Contre toute attente, ce sont les Pyrénées-Orientales qui détiennent le record métropolitain avec 12,4 % de chômeurs au premier trimestre 2024. Ce chiffre s'explique par le dérèglement climatique que ce territoire subit de plein fouet, sans que l'économie ne s'y soit adaptée. L'allongement des périodes de sécheresse entraîne donc un recul des activités agricoles et industrielles, et dissuade les entreprises de s'y installer. Le département catalan confirme au passage le fait que le tourisme ne suffit pas à alimenter une attractivité économique. Sans adaptation de nos modes de consommation, de production et de gestion d'entreprises, nous ne parviendrons pas à recréer de l'emploi dans les zones en difficulté.
  • Les départements qui enregistrent le chômage le plus faible sont ruraux également : 5,7 % dans l'Aveyron, 5,6 % dans le Gers et la Haute-Loire, 5,4 % dans les Deux-Sèvres, 5,3 % dans le Jura, 4,9 % en Mayenne, 4,8 % en Lozère, 4,3 % dans le Cantal... Et pour cause : dans ces départements, l'exode rural a déjà eu lieu. Tous ces départements sauf un appartiennent aux 30 moins peuplés du territoire. La moitié d'entre eux ont perdu des habitants entre 2013 et 2018, les autres n'ayant pas réussi à augmenter leur population d'un pourcent ou plus. Cette situation plonge nos territoires dans un cercle vicieux : moins il y a d'habitants, moins il y a de commerces et d'infrastructures, et moins il y a d'habitants...

Une priorité environnementale

Cet exode rural pousse les Français, notamment les demandeurs d'emploi, à se rapprocher des agglomérations : sur la même période, les départements d'Annecy, Bordeaux, Montpellier, Toulouse et Nantes gagnent plus de 6 % d'habitants, rejoints par l'Ille-et-Vilaine (Rennes), le Rhône (Lyon) et la Seine-Saint-Denis avec une croissance démographique supérieure à 4 %. Alors que l'urbanisation incohérente de certains quartiers a multiplié les îlots de chaleur, dégradé les conditions de vie et artificialisé les sols, la situation menace de s'aggraver par la nécessité de prendre en compte les nouveaux venus.

Une priorité culturelle

Alors que les grandes métropoles sont les premières à s'imprégner de la culture et du consumérisme américains, des idées du courant intersectionnel et de la culture woke, les territoires ont su préserver leur culture, tant française que régionale. Même la gauche locale, notamment en Bretagne, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, ne remettent pas en cause les spécificités culturelles de leurs terres d'élection. La désertification des campagnes constitue donc une menace, celle de voir notre héritage immatériel décliner. Pire, certains partis, se réclamant pourtant du patriotisme, envisagent la suppression des régions, engendrant donc la perte de leur action de promotion du patrimoine et des traditions. Comment est-il possible de cautionner un tel anachronisme ? 

Une priorité démocratique

La conséquence du départ massif des habitants des zones rurales réside dans une disparité démocratique croissante. En 2010, les zones d'élection des députés sont redessinées afin d'atteindre un nombre semblable d'habitants. Résultats : les départements ruraux perdent 13 députés, majoritairement au profit des circonscriptions des Français de l'étranger. Les départements accueillant des villes de plus de 100 000 habitants n'en perdent que 5, venant représenter de nouveaux résidents d'outre-mer. Si l'exode rural s'amplifie, un nouveau redécoupage réduira encore davantage le nombre de parlementaires représentant les territoires ruraux, au profit des villes et des zones périurbaines. Comment s'étonner de la politique menée, et, par déduction, du grave signal adressé par les électeurs ?

Une nouvelle société ne peut aboutir qu'avec vous !